SEPT PAROLES DE VIE, Une veillée de vendredi saint

  • SEPT PAROLES DE VIE, Une veillée de vendredi saint
    0039

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    INTÉRÊT

    Voici une célébration du vendredi
    saint originale, à partir d’une
    narration des sept paroles du
    Christ en croix. Sept personnages
    de l’Évangile ayant croisés
    la route du Christ, racontent
    ce qu’ils ont entendu d’une
    des sept dernières paroles du
    Christ, et nous entraînent dans
    la méditation et la prière.

    DÉROULEMENT

    › Au début de la soirée expliquer
    le déroulement de la célébration.
    Dire qu’après le dernier chant,
    les personnes peuvent rester en

    prière le temps qu’elles veulent
    ou sortir sans faire de bruit.
    › Chaque narration est lue par
    une personne différente.
    › Après chaque narration, prévoir
    un moment de silence, puis
    le texte de prière, encore un
    moment de silence et le chant.
    › Au commencement, il peut y avoir
    sept bougies allumées sur la table.
    Après chaque narration, le lecteur
    peut éteindre une bougie de sorte
    qu’à la fin, elles sont toutes éteintes.
    › Dans les narrations les paroles
    de Jésus peuvent être dites
    par un autre lecteur.
    › Les prières sont dites depuis
    l’assemblée, en voix off.
    › Il vaut la peine de conserver une
    certaine pénombre en n’éclairant
    qu’une croix et de n’allumer les
    lumières que pour les chants.

    1. FESTUS, LE SOLDAT… PÈRE, PARDONNE-LEUR

    Bonsoir, je m’appelle Festus…
    Je suis soldat, et je suis romain.

    Surtout ne croyez pas que c’est
    facile d’être militaire dans l’armée

    romaine. On reste des mois, parfois
    des années, sans retourner dans sa
    famille. De toutes les manières, le
    jour où je retournerai au pays, je ne
    saurais pas très bien où aller. Si je

    0022

    me suis engagé dans l’armée, c’est
    que je ne comptais pour personne.

    Ici, en Palestine, il faut être
    particulièrement attentif au contact
    avec la population, car c’est une
    région sensible. Le procurateur

    Pilate vit d’habitude à Césarée, et
    il ne vient à Jérusalem que pour
    les fêtes religieuses, parce qu’elles
    attirent beaucoup de monde.

    Pilate est en ville ces jours-ci parce
    que c’est la Pâque. Je ne sais pas
    très bien pourquoi les Juifs fêtent
    la Pâque mais ça attire du monde.
    Il en vient de toute la Palestine, et
    même de l’ensemble de l’Empire.

    Hier matin ils ont jugé un agitateur.
    Je pensais que c’était un de ces
    terroristes qui cherchent à nous
    faire quitter la Palestine. Ils se
    prennent pour des patriotes, mais

    ce ne sont que des assassins. J’ai un
    ami, avec qui j’avais fait la campagne
    d’Egypte, qui a été tué le mois
    dernier par l’un des leurs. Il escortait
    un convoi de ravitaillement et ils
    sont tombés dans une embuscade.

    Quand le prisonnier a été condamné
    à mort, on nous l’a remis pour être
    fouetté. Le but de la punition est de
    les affaiblir et les humilier afin qu’ils
    servent d’exemple à ceux qui auraient
    envie de les imiter. On attache des
    petits morceaux d’os et de métal au
    bout des lanières du fouet. Comme
    il paraît qu’il se prenait pour un roi,
    les soldats de mon unité ont fait une
    couronne avec des branches d’épines.
    On l’a posée sur sa tête et on a tapé
    dessus avec un roseau pour que les
    épines s’enfoncent. Puis on s’est
    moqué de lui, on l’a bousculé, et on
    lui a craché dessus en souvenir de
    notre camarade mort le mois dernier.

    En vérité, je n’étais pas très à l’aise
    car je trouve que c’est un peu trop
    facile de se moquer des autres
    quand on est à dix contre un et
    qu’on est armé alors que l’adversaire
    est seul, nu, et qu’il a déjà subi
    le fouet. Mais je n’ai rien dit.

    Ensuite on l’a emmené pour être
    crucifié. On s’était tellement
    bien occupé de lui qu’il ne
    pouvait plus porter sa croix.
    Alors on a requis un passant.

    Arrivé en haut de la colline, on l’a
    crucifié avec deux autres brigands.
    Je ne vais pas vous raconter les
    clous, mais habituellement, dans ces
    moments-là, les crucifiés hurlent.
    Ils nous insultent, nous injurient,
    et nous crachent leur venin.

    Je dis habituellement parce que, cette
    fois-ci, il a eu les clous… mais nous,

    on n’a pas eu les insultes… Il est resté
    silencieux. Et ce silence m’a troublé.
    J’aurais préféré qu’il crie comme les
    autres, mais ce silence ??? Les passants,
    les religieux, tout le monde l’insultait…
    et lui se taisait. C’est comme s’il disait :
    Vous pouvez tuer le corps, mais vous
    ne pouvez rien contre l’Esprit.

    Plus il se taisait et plus je le
    regardais. Plus il se taisait et
    plus j’avais le sentiment que son
    silence me parlait. Enfin il a ouvert
    la bouche. En me regardant il a
    dit : Père pardonne-leur, car ils
    ne savent pas ce qu’ils font.

    Moi j’avais de la haine pour lui et les
    siens, à cause de notre ami qu’ils ont
    tué… et lui me parlait de pardon…
    à moi qui avais planté les clous.

    Mais s’il me pardonne lui, qu’est‑ce
    que je fais de ma haine moi ?

    0021

    Chant
    Mystère de Jésus‑Christ (Voir le site cantiques.fr ou JEM n°464)

    1. Henri Lindegaard, La Bible des contrastes, Genève, Labor et fides, 1993, p.140

    2. JONATHAN, LE ZÉLOTE… AUJOURD’HUI, TU SERAS AVEC MOI

    Bonsoir, je m’appelle Jonathan…. et
    aujourd’hui, je suis condamné à mort.
    C’est l’heure du grand rendez-vous
    avec Adonaï, l’heure où on solde les
    comptes de toute une vie. Jusqu’à
    ce matin, j’étais sûr de moi, mais
    maintenant, je ne sais plus très bien.

    Si je meurs sur une croix, c’est pour
    le service de mon Dieu. Je ne suis
    pas un criminel qui attaque les gens
    pour les voler. Je suis un militant
    politique, un patriote. Je suis zélote.

    Quand j’étais enfant, mon grand-père
    racontait qu’il se souvenait du temps où
    Israël avait une certaine indépendance.
    Il parlait aussi du jour funeste où
    les troupes romaines sont arrivées à
    Jérusalem. Leur chef Pompée est entré
    à cheval dans le sanctuaire, et il a fait
    tuer 12000 Juifs dans le Temple. Tout ça
    pour dire que la haine des Romains, elle
    est en moi depuis que je suis enfant.

    Une fois adulte, je suis d’abord
    devenu pharisien. Mais après un
    moment je me suis dit que je ne
    pouvais pas me contenter d’attendre
    passivement la libération de Dieu, et
    qu’il fallait passer à l’action. Depuis
    Moïse nous savons que nous devons
    être les agents de notre liberté.

    J’ai donc quitté le village et
    j’ai rejoint la clandestinité.
    Nous sommes organisés en bandes
    et nous avons trouvé refuge dans les
    montagnes. Parfois nous organisons
    des actions de commando.

    La semaine dernière, nous sommes
    tombés dans un piège. Nous
    avions repéré une caravane qui
    traînait un groupe d’esclaves.
    Nous les avons attaqués, mais

    les esclaves étaient des soldats
    déguisés. J’ai été fait prisonnier
    avec Baruch, un autre patriote.

    Je connais le sort réservé aux zélotes
    et je ne me faisais aucune illusion…
    J’avais déjà assisté à des crucifixions.
    Mais quand c’est dans vos propres
    mains et dans vos pieds que les
    clous sont plantés… (silence).

    Le troisième crucifié est quelqu’un
    que je ne connais pas. Sur sa croix on
    a écrit : « Jésus, le roi des Juifs ». Je ne
    sais pas de qui il était le roi, mais vu
    la façon dont il a été fouetté, ce devait
    être quelqu’un d’important. C’est
    probablement le chef d’une autre
    bande. En tout cas il ne manque pas
    de courage car il ne dit pas un mot…

    En fait, il m’impressionne
    par sa dignité. Il a regardé les
    soldats romains, et il a dit :
    Père pardonne-leur, car ils ne
    savent pas ce qu’ils font.

    Je n’ai pas compris ce qu’il voulait
    dire. Je sais bien qu’Adonaï est
    miséricordieux… mais pas pour les
    Romains, les ennemis de son peuple !

    S’il ne montrait pas tant de
    courage, je le prendrais pour
    un fou. Qui est-il donc pour
    demander à Dieu de pardonner
    à ceux qui lui font du mal ?

    C’est alors que Baruch a commencé à
    l’interpeller : Si tu es le roi des Juifs,
    pourquoi ne fais-tu rien ? Plutôt que
    de demander à Dieu de pardonner
    à ces salauds de Romains, tu ferais
    mieux de lui dire de nous sortir de
    là. J’étais scandalisé, alors j’ai arrêté
    Baruch : Tais-toi. Tu ne crains donc

    pas Dieu pour t’exprimer ainsi ?

    Baruch s’est tu et j’ai regardé celui
    qu’on appelle Jésus… j’ai vu une
    lumière dans ses yeux. Et dans cette
    lumière, il y avait une paix… qui ne
    pouvait venir que d’Adonaï. Je me
    suis senti tout petit à côté de lui.

    Du plus profond de ma misère a
    germé un sentiment étrange, mais
    comment l’exprimer ? Je lui ai

    simplement dit : Jésus, souvienstoi
    de moi quand tu viendras dans
    ton règne. Il m’a regardé, et après
    un moment de silence il a dit : En
    vérité, je te le dis, aujourd’hui tu
    seras avec moi dans le paradis.

    Je ne sais pas très bien qui il
    est, mais quand je l’écoute et
    que je regarde sa dignité, je me
    demande si notre haine des
    Romains… n’est pas une impasse.

    Car après tout s’il m’accueille moi… pourquoi pas eux ?

    0020

    Chant
    Attaché à la croix (33/24 Alléluia)

    2. Liturgie maronite, cité in Jean-Pierre Dubois-Dumée, Écoute, Seigneur ma prière, Pars, DDB, 1988, p.79.

    0019

    3. JEAN, LE DISCIPLE… VOICI TA MÈRE… VOICI TON FILS

    Bonsoir, je m’appelle Jean… Je suis
    un de ceux qui ont suivi Jésus
    depuis le début. Je crois que j’ai eu
    une relation privilégiée avec lui.
    Quand il parlait de sa mission et
    de ses projets, il s’adressait surtout
    à Pierre, mais quand il voulait
    partager un fardeau ou un souci
    pour une personne, c’est avec moi
    qu’il parlait le plus volontiers.

    Hier, nous avons partagé son dernier
    repas. Quand tous les disciples
    étaient autour de la table, il s’est
    levé, il a pris un linge et une cuvette,

    il s’est agenouillé et il nous a lavé
    les pieds. Et puis il a commencé à
    parler de son départ et d’un esprit de
    consolation qui viendrait sur nous.
    J’ai compris que le dénouement
    était proche mais jusqu’au dernier
    moment, j’ai espéré une autre fin.

    Après le repas, nous l’avons
    accompagné au mont des Oliviers.
    Il s’est agenouillé, et sa prière est
    devenue un combat. Moi aussi
    j’ai prié, mais une fois que j’avais
    demandé à Dieu de le soutenir, je
    ne savais plus très bien que dire…

    J’ai essayé de persévérer, mais la
    fatigue a été la plus forte et je me
    suis endormi. C’est lui qui nous
    a réveillés en disant : Pourquoi
    dormez-vous ? Levez-vous, priez
    afin de ne pas tomber en tentation.

    Il n’avait pas fini de parler qu’on
    a entendu du bruit, une troupe
    approchait. C’était les gardes du
    Sanhédrin, le tribunal religieux,
    conduit par… Judas, l’un des
    nôtres. Nous étions prêts à
    défendre Jésus, mais il nous en
    a empêchés. Il s’est offert, et ils
    l’ont emmené pour être jugé.

    Quand le Sanhédrin l’a envoyé à
    Pilate, j’ai compris qu’il n’y avait
    plus d’espoir. Le seul souci du
    procurateur romain est d’avoir la
    paix et je sais qu’il n’aura pas le
    courage de s’opposer aux religieux.

    Comme Marie, la mère de Jésus,
    est en ce moment en ville, j’ai
    tout de suite pensé à elle et j’ai
    couru la rejoindre. Contrairement
    à mes craintes elle n’était pas
    seule, d’autres femmes étaient là.
    Marie venait d’être informée de la
    parodie de justice chez Pilate et de
    la condamnation de son fils. En ce
    moment-même il était sur le chemin
    qui conduit au mont du Crâne.

    Elle a gardé le silence un moment,
    comme pour prendre des forces,
    puis elle s’est levée, et elle a
    dit qu’elle aussi, allait gravir
    la colline. J’ai essayé de l’en
    dissuader pour lui épargner le
    spectacle de la croix, mais elle
    n’a rien voulu savoir. Elle voulait
    voir son fils une dernière fois.

    En route, elle m’a parlé. Elle m’a
    raconté la présentation de Jésus au
    Temple, quand il était un simple
    nourrisson. Il y avait là un vieux
    sage appelé Siméon qui a prononcé
    d’étranges. Il lui a dit : Marie… une
    épée te transpercera le coeur. À
    l’époque, elle n’avait pas compris ce
    qu’il voulait dire, mais maintenant…
    elle comprenait trop bien.

    Quand on est arrivé au mont du
    Crâne, les croix étaient déjà dressées.
    En nous voyant venir la foule s’est
    tue. Elle s’est ouverte pour nous
    laisser passer, et on s’est retrouvé
    aux pieds de Jésus. On est resté un
    moment en silence… on n’avait pas
    besoin de mots pour se parler. Jésus
    a regardé Marie et lui a dit : Femme,
    voici ton fils. Puis il a tourné son
    regard vers moi et a dit : Voici ta
    mère. J’ai posé la main sur l’épaule
    de Marie, et j’ai hoché la tête.

    Malgré le mal, l’obscurité, la
    violence et l’injustice, j’ai eu à
    ce moment-là la certitude que
    c’est lui qui avait raison… et
    que son combat était le bon.

    Aujourd’hui la mort semble
    triompher, mais il m’a appris
    qu’aussi fort que la mort… il
    y a l’amour. Et l’amour nous
    appelle à continuer notre
    chemin, même au milieu des
    ténèbres et de l’oppression.

    Cet amour qu’il m’a appris,
    aucune croix ne pourra
    l’enlever de mon coeur.

    0018

    Chant
    Rédempteur admirable (33/26 Alléluia)

    4. CLAUDIUS, LE CENTURION… POURQUOI M’AS-TU ABANDONNÉ ?

    Bonsoir, je m’appelle Claudius, et je
    suis centurion dans l’armée romaine.

    Il y a des moments dans la vie
    où on n’est pas très fier de soi.
    Je peux toujours me dire que je
    ne suis qu’un officier qui a obéi
    aux ordres, il n’empêche qu’au
    tribunal de ma conscience, je
    ne me sens pas très propre.

    Comme je suis responsable de la sécurité
    à Jérusalem, je suis obligé de savoir
    ce qui se passe en ville. J’ai un réseau
    d’indicateurs qui me tiennent informé.
    Les rapports sur le Nazaréen disaient
    tous la même chose : c’était un idéaliste

    qui n’était pas très dangereux pour
    l’autorité romaine que je représente.

    Tout ça pour dire que lorsque j’ai reçu
    l’ordre de présider sa crucifixion, ça
    m’a un peu étonné. Mais je me suis dit
    que Pilate devait avoir ses raisons.

    Quand je l’ai vu, mes soldats s’étaient
    déjà sérieusement occupés de lui, et
    j’ai eu un peu honte de la façon dont
    il avait été traité. J’ai tout de suite
    requis un passant pour porter sa croix.
    Je vais vous faire un aveu : je ne suis
    pas sûr que la terreur soit le meilleur
    moyen de gouverner les populations
    étrangères. Si un jour les Juifs se

    3. 1 Jn 4.7-12.

    0017

    révoltent, il faudra défendre l’ordre
    romain, mais on l’aura un peu cherché.

    Arrivés au lieu du Crâne, la foule était
    déjà là pour assister au supplice. Je n’ai
    jamais compris ce qu’il y avait d’attirant
    dans le spectacle des crucifiés. Qu’y
    a-t-il donc au fond de l’homme pour
    qu’il aime entendre des condamnés
    hurler leur haine et leur douleur ?

    Mes soldats ont déshabillé les
    condamnés, et nus, ils les ont cloués.
    Quand les croix ont été dressées,
    ils ont joué aux dés la tunique
    du Nazaréen. Elle est tachée de
    sang, mais son étoffe est fine.

    À la différence des deux autres
    condamnés, Jésus ne criait pas
    et n’insultait personne. Il faisait
    preuve d’un courage qu’en tant
    qu’officier romain je savais
    apprécier à sa juste valeur.

    À midi, il a commencé à faire de
    plus en plus sombre. Comme si
    la nuit venait poser son manteau
    sur la terre pour réclamer son dû !
    L’atmosphère était lourde, pesante.

    C’est alors que le Nazaréen a dit d’une
    voix forte : Eloï, Eloï, lama sabachtani ?

    Il y a eu un frisson dans la foule.

    J’ai demandé à un Juif de me traduire
    ce qu’il venait de dire. Il m’a répondu
    que c’est le premier verset d’un
    Psaume qui dit : Mon Dieu, mon Dieu,
    pourquoi m’as-tu abandonné ?

    J’étais bouleversé. Lui… abandonné de
    son Dieu… Comment est-ce possible ?
    Jusqu’où descendra-t-il donc ?

    Il a encore dit deux ou trois mots, puis
    ses jambes se sont relâchées, ses bras se
    sont tendus, et j’ai compris que c’était la
    fin. Pendant quelques secondes la terre a
    tremblé, comme si les enfers s’ouvraient
    pour mieux accueillir cet homme
    rejeté de tous… et même de son Dieu.

    Des crucifixions, j’en ai présidé
    plusieurs, mais celle-là était différente.
    Jamais personne n’est mort comme
    le Nazaréen. Ça n’a aucun sens,
    mais je suis sûr que cet homme
    était plus qu’un prophète. Je crois
    vraiment qu’il était fils de Dieu.

    Ne me demandez pas pourquoi
    un Dieu a été torturé entre deux
    malfaiteurs ? Je n’en sais rien. La
    seule chose que je sais, c’est que cette
    croix… je ne suis pas prêt de l’oublier.

    Et même si je dois chercher longtemps,
    je finirai par trouver ce qu’elle veut dire.

    0016

    Chant
    Vois là-bas, mettre le Seigneur en croix (Alléluia 33/28)

    5. NÉRÉE, LA SAMARITAINE… J’AI SOIF

    Bonsoir, je m’appelle Nérée,
    et je suis Samaritaine.

    Si je suis venue à Jérusalem, ce n’est
    certainement pas pour assister à une
    crucifixion, mais pour écouter Jésus que
    j’ai rencontré un jour au bord d’un puits.

    Je me souviens parfaitement de
    cette journée, à Sychar, en Samarie.
    À cette époque, j’étais perdue. J’en
    étais à mon cinquième mari, et je ne
    savais plus ce qui était vrai et faux, je
    ne faisais plus la différence entre le
    bien et le mal, le droit et le tordu.

    Ce jour-là, il y avait un soleil de plomb
    et, à midi j’étais sortie chercher de

    l’eau au puits de Jacob. Il était là,
    assis sur la margelle. Il avait soif et
    m’a demandé de l’eau. J’étais étonné
    qu’il ose m’adresser la parole, car
    il était Juif et moi Samaritaine.

    Nous avons engagé la conversation et
    il m’a parlé d’une eau vive, d’une eau
    qui étanche notre soif en vérité… toutes
    les soifs, même les plus profondes.
    J’ai vite compris qu’il ne parlait pas
    seulement de l’eau du puits, mais
    d’une autre source plus intime.

    Voyant qu’il n’avait pas peur de me
    parler, je l’ai interrogé sur la différence
    entre les Juifs et les Samaritains.

    4. D’après Alain Arnoux, Passages, Lyon, Réveil, 1998, p.22.

    0015

    On m’avait expliqué que nous, les
    Samaritains, nous devons adorer Dieu
    dans le sanctuaire du mont Garizim,
    alors que les Juifs le font dans le Temple
    de Jérusalem. Il m’a répondu que
    ces différences n’ont pas beaucoup
    d’importance car Dieu est Esprit. Il vient
    habiter le coeur de ceux qui ont soif.

    J’ai été bouleversée par ce Jésus qui
    faisait sauter les barrières entre les
    Juifs et les Samaritains, les hommes et
    les femmes, les maîtres et les esclaves.
    Pour lui, la seule vraie question qui
    mérite d’être posée est : Quelle est
    ta soif ? Quelle est ta source ?

    Lorsque j’ai appris qu’il allait à
    Jérusalem, j’ai décidé de l’y rejoindre
    mais je suis arrivée trop tard. Il avait
    déjà été arrêté, et même condamné.

    Je me suis renseignée pour connaître
    les motifs de son arrestation, on m’a
    répondu qu’ils sont plutôt flous. On
    porte sur lui l’accusation absurde
    de vouloir détruire le Temple… Il
    paraît qu’il y a quelques jours, il a
    fait un joli scandale en renversant
    les tables des changeurs du Temple
    et en chassant les vendeurs.

    Pour moi, ce qui est clair, c’est que
    le Nazaréen est allé jusqu’au bout
    de sa parole. Ce n’est pas dans le Temple

    qu’il faut adorer Dieu…
    Il a abattu les barrières de religion,
    pour qu’on puisse l’adorer… en
    vérité. À cause de cette Parole,
    aujourd’hui, il meurt sur une croix.

    Je suis en face de cet homme qui est
    torturé pour être allé jusqu’au bout
    de sa vérité. Je le regarde, et je me
    souviens qu’il est le premier à avoir
    posé sur moi un vrai regard d’amour,
    sans convoitise ni arrière pensée.

    J’ai soudain l’impression qu’il m’a
    remarquée dans la foule qui est à ses
    pieds… mais il est exténué. En me
    regardant il murmure un simple
    mot : J’ai soif. Il y a là une cruche
    remplie de vin aigre. Je prends une
    éponge, je l’imbibe, je la donne à un
    soldat qui la pique au bout d’une
    branche et lui donne à boire.

    Mon geste est dérisoire car il va
    mourir… mais pour moi il est le
    signe de tout ce qu’il m’a donné.

    La première fois qu’il m’a demandé
    à boire, au puits de Jacob, ça a été
    l’occasion d’un recommencement dans
    ma vie. Aujourd’hui encore il a soif, à
    cause de la cruauté des hommes, et des
    barrières imbéciles que les religieux
    ont élevées entre Dieu et ses enfants.
    Cette soif-là, c’est aussi la mienne.

    0014

    Chant
    O Jésus par tes blessures (Alléluia 33/22)

    6. NICODÈME, LE PHARISIEN… TOUT EST ACCOMPLI

    Bonsoir, je m’appelle Nicodème
    et je suis pharisien.

    Qu’il est difficile, quand on est
    pharisien, de découvrir qu’on s’est
    trompé ! Cela fait des années, des
    décennies que je fais des efforts
    pour vivre selon notre loi, et
    aujourd’hui, je me rends compte que
    je suis passé à côté de l’essentiel.

    Tout a commencé il y a quelques
    mois, quand le Nazaréen était de

    passage à Jérusalem. J’étais intrigué
    par cet homme et son message.
    J’étais surtout impressionné par
    son attitude. Ce n’était pas qu’un
    prédicateur de talent, il rencontrait
    les gens, il priait avec eux et les
    guérissait de leurs infirmités.

    Je suis donc allé le voir, la nuit,
    le plus discrètement possible.
    Je ne voulais pas que les gens
    de la synagogue sachent que je
    lui avais parlé. Je l’ai interrogé

    5. Charles Singer et Alexandre Hollan.

    sur ses miracles et il m’a tout
    de suite répondu quelque chose
    que je n’ai pas compris : il
    faudrait naître de nouveau pour
    vivre le royaume de Dieu.

    Naître de nouveau ? A mon âge, je
    ne peux plus faire abstraction de
    mon passé ni de mon expérience
    de la vie ! Il m’a aussi parlé de
    l’Esprit qui est comme le vent
    qu’on ne peut enfermer dans
    aucun système, aucune pensée.

    Lorsque j’ai quitté Jésus, j’avais
    écouté ce qu’il disait mais je ne
    l’avais pas entendu. Je restais avec
    mes interrogations. Pour moi,
    l’essentiel… ce n’était pas une
    question de nouvelle naissance,
    mais de connaissance de la Torah
    et d’obéissance. Comme j’avais
    du respect pour le Nazaréen et
    que je connaissais les sentiments
    des religieux à son égard, je lui
    ai conseillé de quitter Jérusalem
    et de rester en Galilée.

    Mais il a fallu qu’il revienne et
    ce que je craignais est arrivé ; il
    a été emmené par les hommes
    du Sanhédrin. Je suis tout de
    suite allé voir Caïphe, le Grand
    Prêtre, pour exiger qu’il ait un
    procès juste et équitable.

    Caïphe m’a répondu que cette
    affaire l’ennuyait beaucoup. Les
    relations avec les Romains sont
    particulièrement tendues en ce
    moment. Il a fait arrêter le Nazaréen
    pour le faire taire, afin d’apaiser
    les tensions. Dans les situations de
    crise, le rôle du Sanhédrin est de
    protéger ce qui peut encore l’être.

    Caïphe m’a expliqué que lui-même
    avait plutôt de la sympathie pour

    ce prophète mais que sa fonction
    lui demandait de rechercher le plus
    grand bien. S’il le fallait, ne valaitil
    pas mieux qu’un seul homme
    meure pour le peuple, et que la
    nation tout entière soit épargnée ?

    Autant dire que ces propos ne
    m’ont pas vraiment rassuré.
    Mais quand j’ai appris la façon
    dont le procès s’est déroulé, j’ai
    été profondément meurtri.

    C’est la raison pour laquelle je
    suis monté, moi aussi, au Mont
    du Crâne. Ce n’est pas que je doive
    me justifier, je n’aime pas les
    crucifixions. Mais le Nazaréen
    reste pour moi une question.

    Quand je l’ai vu humilié, frappé,
    insulté, méprisé, j’ai tout de suite
    pensé à ce que disait le prophète
    au sujet du serviteur de Dieu :
    Ce sont nos souffrances qu’il a
    portées, c’est de nos douleurs qu’il
    s’est chargé… Le châtiment qui
    nous donne la paix est tombé sur
    lui, et c’est par ses meurtrissures
    que nous sommes guéris.

    Alors que je pensais à ce passage
    des Écritures, Jésus a dit : Tout est
    accompli. Comme si sa mort n’était
    pas qu’une pure injustice, mais
    qu’elle était aussi un aboutissement !

    C’est à ce moment-là que tout
    est devenu limpide : C’est par
    ses meurtrissures que nous
    sommes guéris… Le Nazaréen…
    c’est lui le serviteur dont parle
    Ésaïe… envoyé pour porter nos
    souffrances et nous donner la paix.

    Pourquoi a-t-il fallu sa mort pour
    que je comprenne enfin ce qu’il
    disait ouvertement de son vivant ?

    0013

    Chant
    Quel sauveur merveilleux (Alléluia 33/24)

    7. MARIE DE BÉTHANIE… PÈRE, ENTRE TES MAINS, JE REMETS MON ESPRIT

    Bonsoir, je m’appelle Marie,
    et je viens de Béthanie.

    Parfois, il faut attendre la fin d’une histoire
    pour en saisir le sens. Aujourd’hui un
    livre se ferme. Sa fin est cruelle, mais
    je sais qu’elle n’est pas absurde.

    Je me souviens de la première fois que
    j’ai rencontré Jésus. Il s’était arrêté à la
    maison pour se reposer. En attendant
    le dîner, il parlait et moi je l’écoutais.
    Il vivait une vraie passion de Dieu,
    mais il avait en même temps une
    grande compassion et une profonde
    douceur. Je ressentais que tout ce qu’il
    disait était vrai. Jamais personne ne
    m’avait parlé comme cet homme.

    Depuis, chaque fois qu’il montait
    à Jérusalem, il faisait une halte à la
    maison. Il y a quelques jours, ils étaient
    à table et ses disciples parlaient entre
    eux. Ils pensaient que c’était maintenant
    le temps de Dieu. Ils sentaient que
    l’accomplissement était proche. Jésus
    allait purifier le Temple et libérer Israël.

    Je ne disais rien mais leurs discours
    m’ennuyaient. J’avais écouté Jésus
    et je savais que son Royaume n’était
    pas de ce monde. Quand il en parlait,
    il disait qu’il était pour les pauvres
    de coeur et que ce sont les petits, les
    infirmes, les boiteux et les aveugles
    qui occuperont les premières places.

    7. Sources d’eau vive.

    0012

    Je voulais parler, mais je ne savais pas
    comment exprimer ce qui était en
    moi. Alors, sans réfléchir, je me suis
    levée, j’ai pris un flacon de parfum de
    nard pur, je me suis agenouillée devant
    Jésus. J’ai versé le parfum sur ses pieds
    et je les ai essuyés avec mes cheveux.

    Les disciples n’ont pas compris mon
    geste. Judas a même fait une remarque
    sur le prix du parfum qui aurait pu aider
    les pauvres. Jésus, lui, a compris. Il a
    répondu à ses disciples : Des pauvres,
    vous en aurez toujours avec vous, mais
    moi, vous ne m’aurez pas toujours.

    Le lendemain, ils sont partis pour
    Jérusalem et les événements se sont
    précipités. Il a été arrêté, jugé et
    condamné par le Sanhédrin, puis par
    Pilate. Quand j’ai appris qu’il serait
    crucifié, je suis montée à Jérusalem…
    J’étais terrorisée. En chemin, j’essayais
    de raisonner le tumulte qui bouillonnait
    en moi. Je me suis souvenue qu’il avait
    dit : Si le grain de blé ne tombe en
    terre et ne meurt, il reste seul. Mais s’il
    meurt, il porte beaucoup de fruits.

    Quand je suis arrivée au lieu du Crâne,
    la croix venait d’être dressée. Je suis
    restée à ses pieds pendant son agonie.
    J’ai recueilli ses dernières paroles.

    J’ai été bouleversée par la
    demande de pardon pour les
    soldats qui l’ont cloué au bois.

    Je l’ai entendu dire une dernière
    parole d’accueil pour un brigand
    qui partageait sa croix.

    J’ai été émue par la parole d’amour
    qu’il a échangée avec Marie sa
    mère, et avec son disciple Jean.

    J’ai habité ses ténèbres lorsqu’il a hurlé
    à Dieu : Pourquoi m’as-tu abandonné ?

    J’ai partagé son désert quand
    il a crié : J’ai soif.

    J’ai compris que la fin était proche
    quand il a dit : Tout est accompli.

    Il a encore ajouté une dernière
    parole : Père, je remets mon esprit
    entre tes mains. Puis il est mort.

    C’est à ce moment-là que j’ai compris
    mon geste, lorsque j’ai versé le parfum
    sur ses pieds. Il est mort, et pourtant il
    n’a jamais été aussi fort, aussi grand… Il
    n’a jamais été aussi vrai. Cette mort est
    une folie, mais la folie de Dieu est plus
    sage que la sagesse des sages. Cette mort
    est un scandale, mais le scandale de Dieu
    renverse les puissances des puissants.

    Il est mort, mais dans mon coeur
    il n’a jamais été aussi vivant.

    Je suis face à sa mort, et jamais je
    ne me suis sentie aussi vivante.

    8. Bernard REYMOND, Liturgies en chantier, Lausanne, Belle rivière, 1984, p.128

    0011

    Chant
    Quel sauveur merveilleux (Alléluia 33/24)

    Veillée proposée par le pasteur Antoine Nouis.