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Déroulement complet sur le site : paquesencadeau.fr
INTÉRÊT
Voici une célébration du vendredi
saint originale, à partir d’une
narration des sept paroles du
Christ en croix. Sept personnages
de l’Évangile ayant croisés
la route du Christ, racontent
ce qu’ils ont entendu d’une
des sept dernières paroles du
Christ, et nous entraînent dans
la méditation et la prière.DÉROULEMENT
› Au début de la soirée expliquer
le déroulement de la célébration.
Dire qu’après le dernier chant,
les personnes peuvent rester enprière le temps qu’elles veulent
ou sortir sans faire de bruit.
› Chaque narration est lue par
une personne différente.
› Après chaque narration, prévoir
un moment de silence, puis
le texte de prière, encore un
moment de silence et le chant.
› Au commencement, il peut y avoir
sept bougies allumées sur la table.
Après chaque narration, le lecteur
peut éteindre une bougie de sorte
qu’à la fin, elles sont toutes éteintes.
› Dans les narrations les paroles
de Jésus peuvent être dites
par un autre lecteur.
› Les prières sont dites depuis
l’assemblée, en voix off.
› Il vaut la peine de conserver une
certaine pénombre en n’éclairant
qu’une croix et de n’allumer les
lumières que pour les chants.1. FESTUS, LE SOLDAT… PÈRE, PARDONNE-LEUR
Bonsoir, je m’appelle Festus…
Je suis soldat, et je suis romain.Surtout ne croyez pas que c’est
facile d’être militaire dans l’arméeromaine. On reste des mois, parfois
des années, sans retourner dans sa
famille. De toutes les manières, le
jour où je retournerai au pays, je ne
saurais pas très bien où aller. Si jeme suis engagé dans l’armée, c’est
que je ne comptais pour personne.Ici, en Palestine, il faut être
particulièrement attentif au contact
avec la population, car c’est une
région sensible. Le procurateurPilate vit d’habitude à Césarée, et
il ne vient à Jérusalem que pour
les fêtes religieuses, parce qu’elles
attirent beaucoup de monde.Pilate est en ville ces jours-ci parce
que c’est la Pâque. Je ne sais pas
très bien pourquoi les Juifs fêtent
la Pâque mais ça attire du monde.
Il en vient de toute la Palestine, et
même de l’ensemble de l’Empire.Hier matin ils ont jugé un agitateur.
Je pensais que c’était un de ces
terroristes qui cherchent à nous
faire quitter la Palestine. Ils se
prennent pour des patriotes, maisce ne sont que des assassins. J’ai un
ami, avec qui j’avais fait la campagne
d’Egypte, qui a été tué le mois
dernier par l’un des leurs. Il escortait
un convoi de ravitaillement et ils
sont tombés dans une embuscade.Quand le prisonnier a été condamné
à mort, on nous l’a remis pour être
fouetté. Le but de la punition est de
les affaiblir et les humilier afin qu’ils
servent d’exemple à ceux qui auraient
envie de les imiter. On attache des
petits morceaux d’os et de métal au
bout des lanières du fouet. Comme
il paraît qu’il se prenait pour un roi,
les soldats de mon unité ont fait une
couronne avec des branches d’épines.
On l’a posée sur sa tête et on a tapé
dessus avec un roseau pour que les
épines s’enfoncent. Puis on s’est
moqué de lui, on l’a bousculé, et on
lui a craché dessus en souvenir de
notre camarade mort le mois dernier.En vérité, je n’étais pas très à l’aise
car je trouve que c’est un peu trop
facile de se moquer des autres
quand on est à dix contre un et
qu’on est armé alors que l’adversaire
est seul, nu, et qu’il a déjà subi
le fouet. Mais je n’ai rien dit.Ensuite on l’a emmené pour être
crucifié. On s’était tellement
bien occupé de lui qu’il ne
pouvait plus porter sa croix.
Alors on a requis un passant.Arrivé en haut de la colline, on l’a
crucifié avec deux autres brigands.
Je ne vais pas vous raconter les
clous, mais habituellement, dans ces
moments-là, les crucifiés hurlent.
Ils nous insultent, nous injurient,
et nous crachent leur venin.Je dis habituellement parce que, cette
fois-ci, il a eu les clous… mais nous,on n’a pas eu les insultes… Il est resté
silencieux. Et ce silence m’a troublé.
J’aurais préféré qu’il crie comme les
autres, mais ce silence ??? Les passants,
les religieux, tout le monde l’insultait…
et lui se taisait. C’est comme s’il disait :
Vous pouvez tuer le corps, mais vous
ne pouvez rien contre l’Esprit.Plus il se taisait et plus je le
regardais. Plus il se taisait et
plus j’avais le sentiment que son
silence me parlait. Enfin il a ouvert
la bouche. En me regardant il a
dit : Père pardonne-leur, car ils
ne savent pas ce qu’ils font.Moi j’avais de la haine pour lui et les
siens, à cause de notre ami qu’ils ont
tué… et lui me parlait de pardon…
à moi qui avais planté les clous.Mais s’il me pardonne lui, qu’est‑ce
que je fais de ma haine moi ?Chant
Mystère de Jésus‑Christ (Voir le site cantiques.fr ou JEM n°464)1. Henri Lindegaard, La Bible des contrastes, Genève, Labor et fides, 1993, p.140
2. JONATHAN, LE ZÉLOTE… AUJOURD’HUI, TU SERAS AVEC MOI
Bonsoir, je m’appelle Jonathan…. et
aujourd’hui, je suis condamné à mort.
C’est l’heure du grand rendez-vous
avec Adonaï, l’heure où on solde les
comptes de toute une vie. Jusqu’à
ce matin, j’étais sûr de moi, mais
maintenant, je ne sais plus très bien.Si je meurs sur une croix, c’est pour
le service de mon Dieu. Je ne suis
pas un criminel qui attaque les gens
pour les voler. Je suis un militant
politique, un patriote. Je suis zélote.Quand j’étais enfant, mon grand-père
racontait qu’il se souvenait du temps où
Israël avait une certaine indépendance.
Il parlait aussi du jour funeste où
les troupes romaines sont arrivées à
Jérusalem. Leur chef Pompée est entré
à cheval dans le sanctuaire, et il a fait
tuer 12000 Juifs dans le Temple. Tout ça
pour dire que la haine des Romains, elle
est en moi depuis que je suis enfant.Une fois adulte, je suis d’abord
devenu pharisien. Mais après un
moment je me suis dit que je ne
pouvais pas me contenter d’attendre
passivement la libération de Dieu, et
qu’il fallait passer à l’action. Depuis
Moïse nous savons que nous devons
être les agents de notre liberté.J’ai donc quitté le village et
j’ai rejoint la clandestinité.
Nous sommes organisés en bandes
et nous avons trouvé refuge dans les
montagnes. Parfois nous organisons
des actions de commando.La semaine dernière, nous sommes
tombés dans un piège. Nous
avions repéré une caravane qui
traînait un groupe d’esclaves.
Nous les avons attaqués, maisles esclaves étaient des soldats
déguisés. J’ai été fait prisonnier
avec Baruch, un autre patriote.Je connais le sort réservé aux zélotes
et je ne me faisais aucune illusion…
J’avais déjà assisté à des crucifixions.
Mais quand c’est dans vos propres
mains et dans vos pieds que les
clous sont plantés… (silence).Le troisième crucifié est quelqu’un
que je ne connais pas. Sur sa croix on
a écrit : « Jésus, le roi des Juifs ». Je ne
sais pas de qui il était le roi, mais vu
la façon dont il a été fouetté, ce devait
être quelqu’un d’important. C’est
probablement le chef d’une autre
bande. En tout cas il ne manque pas
de courage car il ne dit pas un mot…En fait, il m’impressionne
par sa dignité. Il a regardé les
soldats romains, et il a dit :
Père pardonne-leur, car ils ne
savent pas ce qu’ils font.Je n’ai pas compris ce qu’il voulait
dire. Je sais bien qu’Adonaï est
miséricordieux… mais pas pour les
Romains, les ennemis de son peuple !S’il ne montrait pas tant de
courage, je le prendrais pour
un fou. Qui est-il donc pour
demander à Dieu de pardonner
à ceux qui lui font du mal ?C’est alors que Baruch a commencé à
l’interpeller : Si tu es le roi des Juifs,
pourquoi ne fais-tu rien ? Plutôt que
de demander à Dieu de pardonner
à ces salauds de Romains, tu ferais
mieux de lui dire de nous sortir de
là. J’étais scandalisé, alors j’ai arrêté
Baruch : Tais-toi. Tu ne crains doncpas Dieu pour t’exprimer ainsi ?
Baruch s’est tu et j’ai regardé celui
qu’on appelle Jésus… j’ai vu une
lumière dans ses yeux. Et dans cette
lumière, il y avait une paix… qui ne
pouvait venir que d’Adonaï. Je me
suis senti tout petit à côté de lui.Du plus profond de ma misère a
germé un sentiment étrange, mais
comment l’exprimer ? Je lui aisimplement dit : Jésus, souvienstoi
de moi quand tu viendras dans
ton règne. Il m’a regardé, et après
un moment de silence il a dit : En
vérité, je te le dis, aujourd’hui tu
seras avec moi dans le paradis.Je ne sais pas très bien qui il
est, mais quand je l’écoute et
que je regarde sa dignité, je me
demande si notre haine des
Romains… n’est pas une impasse.Car après tout s’il m’accueille moi… pourquoi pas eux ?
Chant
Attaché à la croix (33/24 Alléluia)2. Liturgie maronite, cité in Jean-Pierre Dubois-Dumée, Écoute, Seigneur ma prière, Pars, DDB, 1988, p.79.
3. JEAN, LE DISCIPLE… VOICI TA MÈRE… VOICI TON FILS
Bonsoir, je m’appelle Jean… Je suis
un de ceux qui ont suivi Jésus
depuis le début. Je crois que j’ai eu
une relation privilégiée avec lui.
Quand il parlait de sa mission et
de ses projets, il s’adressait surtout
à Pierre, mais quand il voulait
partager un fardeau ou un souci
pour une personne, c’est avec moi
qu’il parlait le plus volontiers.Hier, nous avons partagé son dernier
repas. Quand tous les disciples
étaient autour de la table, il s’est
levé, il a pris un linge et une cuvette,il s’est agenouillé et il nous a lavé
les pieds. Et puis il a commencé à
parler de son départ et d’un esprit de
consolation qui viendrait sur nous.
J’ai compris que le dénouement
était proche mais jusqu’au dernier
moment, j’ai espéré une autre fin.Après le repas, nous l’avons
accompagné au mont des Oliviers.
Il s’est agenouillé, et sa prière est
devenue un combat. Moi aussi
j’ai prié, mais une fois que j’avais
demandé à Dieu de le soutenir, je
ne savais plus très bien que dire…J’ai essayé de persévérer, mais la
fatigue a été la plus forte et je me
suis endormi. C’est lui qui nous
a réveillés en disant : Pourquoi
dormez-vous ? Levez-vous, priez
afin de ne pas tomber en tentation.Il n’avait pas fini de parler qu’on
a entendu du bruit, une troupe
approchait. C’était les gardes du
Sanhédrin, le tribunal religieux,
conduit par… Judas, l’un des
nôtres. Nous étions prêts à
défendre Jésus, mais il nous en
a empêchés. Il s’est offert, et ils
l’ont emmené pour être jugé.Quand le Sanhédrin l’a envoyé à
Pilate, j’ai compris qu’il n’y avait
plus d’espoir. Le seul souci du
procurateur romain est d’avoir la
paix et je sais qu’il n’aura pas le
courage de s’opposer aux religieux.Comme Marie, la mère de Jésus,
est en ce moment en ville, j’ai
tout de suite pensé à elle et j’ai
couru la rejoindre. Contrairement
à mes craintes elle n’était pas
seule, d’autres femmes étaient là.
Marie venait d’être informée de la
parodie de justice chez Pilate et de
la condamnation de son fils. En ce
moment-même il était sur le chemin
qui conduit au mont du Crâne.Elle a gardé le silence un moment,
comme pour prendre des forces,
puis elle s’est levée, et elle a
dit qu’elle aussi, allait gravir
la colline. J’ai essayé de l’en
dissuader pour lui épargner le
spectacle de la croix, mais elle
n’a rien voulu savoir. Elle voulait
voir son fils une dernière fois.En route, elle m’a parlé. Elle m’a
raconté la présentation de Jésus au
Temple, quand il était un simple
nourrisson. Il y avait là un vieux
sage appelé Siméon qui a prononcé
d’étranges. Il lui a dit : Marie… une
épée te transpercera le coeur. À
l’époque, elle n’avait pas compris ce
qu’il voulait dire, mais maintenant…
elle comprenait trop bien.Quand on est arrivé au mont du
Crâne, les croix étaient déjà dressées.
En nous voyant venir la foule s’est
tue. Elle s’est ouverte pour nous
laisser passer, et on s’est retrouvé
aux pieds de Jésus. On est resté un
moment en silence… on n’avait pas
besoin de mots pour se parler. Jésus
a regardé Marie et lui a dit : Femme,
voici ton fils. Puis il a tourné son
regard vers moi et a dit : Voici ta
mère. J’ai posé la main sur l’épaule
de Marie, et j’ai hoché la tête.Malgré le mal, l’obscurité, la
violence et l’injustice, j’ai eu à
ce moment-là la certitude que
c’est lui qui avait raison… et
que son combat était le bon.Aujourd’hui la mort semble
triompher, mais il m’a appris
qu’aussi fort que la mort… il
y a l’amour. Et l’amour nous
appelle à continuer notre
chemin, même au milieu des
ténèbres et de l’oppression.Cet amour qu’il m’a appris,
aucune croix ne pourra
l’enlever de mon coeur.Chant
Rédempteur admirable (33/26 Alléluia)4. CLAUDIUS, LE CENTURION… POURQUOI M’AS-TU ABANDONNÉ ?
Bonsoir, je m’appelle Claudius, et je
suis centurion dans l’armée romaine.Il y a des moments dans la vie
où on n’est pas très fier de soi.
Je peux toujours me dire que je
ne suis qu’un officier qui a obéi
aux ordres, il n’empêche qu’au
tribunal de ma conscience, je
ne me sens pas très propre.Comme je suis responsable de la sécurité
à Jérusalem, je suis obligé de savoir
ce qui se passe en ville. J’ai un réseau
d’indicateurs qui me tiennent informé.
Les rapports sur le Nazaréen disaient
tous la même chose : c’était un idéalistequi n’était pas très dangereux pour
l’autorité romaine que je représente.Tout ça pour dire que lorsque j’ai reçu
l’ordre de présider sa crucifixion, ça
m’a un peu étonné. Mais je me suis dit
que Pilate devait avoir ses raisons.Quand je l’ai vu, mes soldats s’étaient
déjà sérieusement occupés de lui, et
j’ai eu un peu honte de la façon dont
il avait été traité. J’ai tout de suite
requis un passant pour porter sa croix.
Je vais vous faire un aveu : je ne suis
pas sûr que la terreur soit le meilleur
moyen de gouverner les populations
étrangères. Si un jour les Juifs se3. 1 Jn 4.7-12.
révoltent, il faudra défendre l’ordre
romain, mais on l’aura un peu cherché.Arrivés au lieu du Crâne, la foule était
déjà là pour assister au supplice. Je n’ai
jamais compris ce qu’il y avait d’attirant
dans le spectacle des crucifiés. Qu’y
a-t-il donc au fond de l’homme pour
qu’il aime entendre des condamnés
hurler leur haine et leur douleur ?Mes soldats ont déshabillé les
condamnés, et nus, ils les ont cloués.
Quand les croix ont été dressées,
ils ont joué aux dés la tunique
du Nazaréen. Elle est tachée de
sang, mais son étoffe est fine.À la différence des deux autres
condamnés, Jésus ne criait pas
et n’insultait personne. Il faisait
preuve d’un courage qu’en tant
qu’officier romain je savais
apprécier à sa juste valeur.À midi, il a commencé à faire de
plus en plus sombre. Comme si
la nuit venait poser son manteau
sur la terre pour réclamer son dû !
L’atmosphère était lourde, pesante.C’est alors que le Nazaréen a dit d’une
voix forte : Eloï, Eloï, lama sabachtani ?Il y a eu un frisson dans la foule.
J’ai demandé à un Juif de me traduire
ce qu’il venait de dire. Il m’a répondu
que c’est le premier verset d’un
Psaume qui dit : Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné ?J’étais bouleversé. Lui… abandonné de
son Dieu… Comment est-ce possible ?
Jusqu’où descendra-t-il donc ?Il a encore dit deux ou trois mots, puis
ses jambes se sont relâchées, ses bras se
sont tendus, et j’ai compris que c’était la
fin. Pendant quelques secondes la terre a
tremblé, comme si les enfers s’ouvraient
pour mieux accueillir cet homme
rejeté de tous… et même de son Dieu.Des crucifixions, j’en ai présidé
plusieurs, mais celle-là était différente.
Jamais personne n’est mort comme
le Nazaréen. Ça n’a aucun sens,
mais je suis sûr que cet homme
était plus qu’un prophète. Je crois
vraiment qu’il était fils de Dieu.Ne me demandez pas pourquoi
un Dieu a été torturé entre deux
malfaiteurs ? Je n’en sais rien. La
seule chose que je sais, c’est que cette
croix… je ne suis pas prêt de l’oublier.Et même si je dois chercher longtemps,
je finirai par trouver ce qu’elle veut dire.Chant
Vois là-bas, mettre le Seigneur en croix (Alléluia 33/28)5. NÉRÉE, LA SAMARITAINE… J’AI SOIF
Bonsoir, je m’appelle Nérée,
et je suis Samaritaine.Si je suis venue à Jérusalem, ce n’est
certainement pas pour assister à une
crucifixion, mais pour écouter Jésus que
j’ai rencontré un jour au bord d’un puits.Je me souviens parfaitement de
cette journée, à Sychar, en Samarie.
À cette époque, j’étais perdue. J’en
étais à mon cinquième mari, et je ne
savais plus ce qui était vrai et faux, je
ne faisais plus la différence entre le
bien et le mal, le droit et le tordu.Ce jour-là, il y avait un soleil de plomb
et, à midi j’étais sortie chercher del’eau au puits de Jacob. Il était là,
assis sur la margelle. Il avait soif et
m’a demandé de l’eau. J’étais étonné
qu’il ose m’adresser la parole, car
il était Juif et moi Samaritaine.Nous avons engagé la conversation et
il m’a parlé d’une eau vive, d’une eau
qui étanche notre soif en vérité… toutes
les soifs, même les plus profondes.
J’ai vite compris qu’il ne parlait pas
seulement de l’eau du puits, mais
d’une autre source plus intime.Voyant qu’il n’avait pas peur de me
parler, je l’ai interrogé sur la différence
entre les Juifs et les Samaritains.4. D’après Alain Arnoux, Passages, Lyon, Réveil, 1998, p.22.
On m’avait expliqué que nous, les
Samaritains, nous devons adorer Dieu
dans le sanctuaire du mont Garizim,
alors que les Juifs le font dans le Temple
de Jérusalem. Il m’a répondu que
ces différences n’ont pas beaucoup
d’importance car Dieu est Esprit. Il vient
habiter le coeur de ceux qui ont soif.J’ai été bouleversée par ce Jésus qui
faisait sauter les barrières entre les
Juifs et les Samaritains, les hommes et
les femmes, les maîtres et les esclaves.
Pour lui, la seule vraie question qui
mérite d’être posée est : Quelle est
ta soif ? Quelle est ta source ?Lorsque j’ai appris qu’il allait à
Jérusalem, j’ai décidé de l’y rejoindre
mais je suis arrivée trop tard. Il avait
déjà été arrêté, et même condamné.Je me suis renseignée pour connaître
les motifs de son arrestation, on m’a
répondu qu’ils sont plutôt flous. On
porte sur lui l’accusation absurde
de vouloir détruire le Temple… Il
paraît qu’il y a quelques jours, il a
fait un joli scandale en renversant
les tables des changeurs du Temple
et en chassant les vendeurs.Pour moi, ce qui est clair, c’est que
le Nazaréen est allé jusqu’au bout
de sa parole. Ce n’est pas dans le Templequ’il faut adorer Dieu…
Il a abattu les barrières de religion,
pour qu’on puisse l’adorer… en
vérité. À cause de cette Parole,
aujourd’hui, il meurt sur une croix.Je suis en face de cet homme qui est
torturé pour être allé jusqu’au bout
de sa vérité. Je le regarde, et je me
souviens qu’il est le premier à avoir
posé sur moi un vrai regard d’amour,
sans convoitise ni arrière pensée.J’ai soudain l’impression qu’il m’a
remarquée dans la foule qui est à ses
pieds… mais il est exténué. En me
regardant il murmure un simple
mot : J’ai soif. Il y a là une cruche
remplie de vin aigre. Je prends une
éponge, je l’imbibe, je la donne à un
soldat qui la pique au bout d’une
branche et lui donne à boire.Mon geste est dérisoire car il va
mourir… mais pour moi il est le
signe de tout ce qu’il m’a donné.La première fois qu’il m’a demandé
à boire, au puits de Jacob, ça a été
l’occasion d’un recommencement dans
ma vie. Aujourd’hui encore il a soif, à
cause de la cruauté des hommes, et des
barrières imbéciles que les religieux
ont élevées entre Dieu et ses enfants.
Cette soif-là, c’est aussi la mienne.Chant
O Jésus par tes blessures (Alléluia 33/22)6. NICODÈME, LE PHARISIEN… TOUT EST ACCOMPLI
Bonsoir, je m’appelle Nicodème
et je suis pharisien.Qu’il est difficile, quand on est
pharisien, de découvrir qu’on s’est
trompé ! Cela fait des années, des
décennies que je fais des efforts
pour vivre selon notre loi, et
aujourd’hui, je me rends compte que
je suis passé à côté de l’essentiel.Tout a commencé il y a quelques
mois, quand le Nazaréen était depassage à Jérusalem. J’étais intrigué
par cet homme et son message.
J’étais surtout impressionné par
son attitude. Ce n’était pas qu’un
prédicateur de talent, il rencontrait
les gens, il priait avec eux et les
guérissait de leurs infirmités.Je suis donc allé le voir, la nuit,
le plus discrètement possible.
Je ne voulais pas que les gens
de la synagogue sachent que je
lui avais parlé. Je l’ai interrogé5. Charles Singer et Alexandre Hollan.
sur ses miracles et il m’a tout
de suite répondu quelque chose
que je n’ai pas compris : il
faudrait naître de nouveau pour
vivre le royaume de Dieu.Naître de nouveau ? A mon âge, je
ne peux plus faire abstraction de
mon passé ni de mon expérience
de la vie ! Il m’a aussi parlé de
l’Esprit qui est comme le vent
qu’on ne peut enfermer dans
aucun système, aucune pensée.Lorsque j’ai quitté Jésus, j’avais
écouté ce qu’il disait mais je ne
l’avais pas entendu. Je restais avec
mes interrogations. Pour moi,
l’essentiel… ce n’était pas une
question de nouvelle naissance,
mais de connaissance de la Torah
et d’obéissance. Comme j’avais
du respect pour le Nazaréen et
que je connaissais les sentiments
des religieux à son égard, je lui
ai conseillé de quitter Jérusalem
et de rester en Galilée.Mais il a fallu qu’il revienne et
ce que je craignais est arrivé ; il
a été emmené par les hommes
du Sanhédrin. Je suis tout de
suite allé voir Caïphe, le Grand
Prêtre, pour exiger qu’il ait un
procès juste et équitable.Caïphe m’a répondu que cette
affaire l’ennuyait beaucoup. Les
relations avec les Romains sont
particulièrement tendues en ce
moment. Il a fait arrêter le Nazaréen
pour le faire taire, afin d’apaiser
les tensions. Dans les situations de
crise, le rôle du Sanhédrin est de
protéger ce qui peut encore l’être.Caïphe m’a expliqué que lui-même
avait plutôt de la sympathie pource prophète mais que sa fonction
lui demandait de rechercher le plus
grand bien. S’il le fallait, ne valaitil
pas mieux qu’un seul homme
meure pour le peuple, et que la
nation tout entière soit épargnée ?Autant dire que ces propos ne
m’ont pas vraiment rassuré.
Mais quand j’ai appris la façon
dont le procès s’est déroulé, j’ai
été profondément meurtri.C’est la raison pour laquelle je
suis monté, moi aussi, au Mont
du Crâne. Ce n’est pas que je doive
me justifier, je n’aime pas les
crucifixions. Mais le Nazaréen
reste pour moi une question.Quand je l’ai vu humilié, frappé,
insulté, méprisé, j’ai tout de suite
pensé à ce que disait le prophète
au sujet du serviteur de Dieu :
Ce sont nos souffrances qu’il a
portées, c’est de nos douleurs qu’il
s’est chargé… Le châtiment qui
nous donne la paix est tombé sur
lui, et c’est par ses meurtrissures
que nous sommes guéris.Alors que je pensais à ce passage
des Écritures, Jésus a dit : Tout est
accompli. Comme si sa mort n’était
pas qu’une pure injustice, mais
qu’elle était aussi un aboutissement !C’est à ce moment-là que tout
est devenu limpide : C’est par
ses meurtrissures que nous
sommes guéris… Le Nazaréen…
c’est lui le serviteur dont parle
Ésaïe… envoyé pour porter nos
souffrances et nous donner la paix.Pourquoi a-t-il fallu sa mort pour
que je comprenne enfin ce qu’il
disait ouvertement de son vivant ?Chant
Quel sauveur merveilleux (Alléluia 33/24)7. MARIE DE BÉTHANIE… PÈRE, ENTRE TES MAINS, JE REMETS MON ESPRIT
Bonsoir, je m’appelle Marie,
et je viens de Béthanie.Parfois, il faut attendre la fin d’une histoire
pour en saisir le sens. Aujourd’hui un
livre se ferme. Sa fin est cruelle, mais
je sais qu’elle n’est pas absurde.Je me souviens de la première fois que
j’ai rencontré Jésus. Il s’était arrêté à la
maison pour se reposer. En attendant
le dîner, il parlait et moi je l’écoutais.
Il vivait une vraie passion de Dieu,
mais il avait en même temps une
grande compassion et une profonde
douceur. Je ressentais que tout ce qu’il
disait était vrai. Jamais personne ne
m’avait parlé comme cet homme.Depuis, chaque fois qu’il montait
à Jérusalem, il faisait une halte à la
maison. Il y a quelques jours, ils étaient
à table et ses disciples parlaient entre
eux. Ils pensaient que c’était maintenant
le temps de Dieu. Ils sentaient que
l’accomplissement était proche. Jésus
allait purifier le Temple et libérer Israël.Je ne disais rien mais leurs discours
m’ennuyaient. J’avais écouté Jésus
et je savais que son Royaume n’était
pas de ce monde. Quand il en parlait,
il disait qu’il était pour les pauvres
de coeur et que ce sont les petits, les
infirmes, les boiteux et les aveugles
qui occuperont les premières places.7. Sources d’eau vive.
Je voulais parler, mais je ne savais pas
comment exprimer ce qui était en
moi. Alors, sans réfléchir, je me suis
levée, j’ai pris un flacon de parfum de
nard pur, je me suis agenouillée devant
Jésus. J’ai versé le parfum sur ses pieds
et je les ai essuyés avec mes cheveux.Les disciples n’ont pas compris mon
geste. Judas a même fait une remarque
sur le prix du parfum qui aurait pu aider
les pauvres. Jésus, lui, a compris. Il a
répondu à ses disciples : Des pauvres,
vous en aurez toujours avec vous, mais
moi, vous ne m’aurez pas toujours.Le lendemain, ils sont partis pour
Jérusalem et les événements se sont
précipités. Il a été arrêté, jugé et
condamné par le Sanhédrin, puis par
Pilate. Quand j’ai appris qu’il serait
crucifié, je suis montée à Jérusalem…
J’étais terrorisée. En chemin, j’essayais
de raisonner le tumulte qui bouillonnait
en moi. Je me suis souvenue qu’il avait
dit : Si le grain de blé ne tombe en
terre et ne meurt, il reste seul. Mais s’il
meurt, il porte beaucoup de fruits.Quand je suis arrivée au lieu du Crâne,
la croix venait d’être dressée. Je suis
restée à ses pieds pendant son agonie.
J’ai recueilli ses dernières paroles.J’ai été bouleversée par la
demande de pardon pour les
soldats qui l’ont cloué au bois.Je l’ai entendu dire une dernière
parole d’accueil pour un brigand
qui partageait sa croix.J’ai été émue par la parole d’amour
qu’il a échangée avec Marie sa
mère, et avec son disciple Jean.J’ai habité ses ténèbres lorsqu’il a hurlé
à Dieu : Pourquoi m’as-tu abandonné ?J’ai partagé son désert quand
il a crié : J’ai soif.J’ai compris que la fin était proche
quand il a dit : Tout est accompli.Il a encore ajouté une dernière
parole : Père, je remets mon esprit
entre tes mains. Puis il est mort.C’est à ce moment-là que j’ai compris
mon geste, lorsque j’ai versé le parfum
sur ses pieds. Il est mort, et pourtant il
n’a jamais été aussi fort, aussi grand… Il
n’a jamais été aussi vrai. Cette mort est
une folie, mais la folie de Dieu est plus
sage que la sagesse des sages. Cette mort
est un scandale, mais le scandale de Dieu
renverse les puissances des puissants.Il est mort, mais dans mon coeur
il n’a jamais été aussi vivant.Je suis face à sa mort, et jamais je
ne me suis sentie aussi vivante.8. Bernard REYMOND, Liturgies en chantier, Lausanne, Belle rivière, 1984, p.128
Chant
Quel sauveur merveilleux (Alléluia 33/24)Veillée proposée par le pasteur Antoine Nouis.